Le 27/07/2001
Ce qu'ont fait l'APAJH et la DDASS au moment des
disparitions des jeunes handicapées
L'IGAS (inspection générale des affaires sociales) a rendu, en avril dernier,
un rapport confidentiel sur l'action de la DDASS de l'Yonne et de l'IME
Gratterey, l'un des établissements gérés par l'APAJH de l'Yonne au moment des
disparitions des huit jeunes handicapées, entre 1977 et 1979.
Les conclusions sont suffisamment claires pour que chacun puisse
se forger une opinion sur la responsabilité de ceux qui avaient en charge les
jeunes handicapées
CONCLUSION
Ayant examiné les différents cas et les actions du
service de l'ASE et de l'IME à leur égard, la mission est amenée à faire un
constat nuancé sur les dysfonctionnements de ces institutions à l'époque des
disparitions.
La responsabilité de la DDASS est nettement à
écarter dans trois situations: celles des jeunes filles majeures ayant quitté le
service depuis plusieurs années.
-Les sœurs Françoise et Bernadette
LEMOINE avaient quitté les services de I'ASE depuis de longues années,
respectivement 8 et 17 ans.
-La jeune Claudette BOIDIN était majeure et
avait manifesté après sa majorité, son désir de rompre avec le service en
demandant la liquidation de son compte de tutelle en avril 1976.
En
revanche, la situation de trois jeunes majeures et deux mineures peut mettre en
cause le fonctionnement du service.
Pour les jeunes majeures, les liens
maintenus avec les services justifiaient de la part de celui-ci une attitude
active.
-Chantal GRAS ayant signé un contrat avec l'agence d'Auxerre
de I'ASE de Paris, celle-ci, à sa disparition, a fait les démarches
nécessaires mais s'est heurtée au fait que la police n'a pas accepté le <<
procès verbal d'évasion ». Elle s'est également manifestée auprès de la mère de
la jeune fille. On pourrait considérer qu'elle ne pouvait intervenir au delà de
ces actes. Toutefois, la particularité de la situation, signature récente du
contrat et choix connu de la jeune de poursuivre sa scolarité, aurait pu
conduire le service à inciter la mère, seule habilitée en tant que membre de la
famille, à demander des recherches à la police.
-Madeleine DEJUST,
majeure handicapée était logée chez une assistante maternelle, le coût en étant
pris en charge par l'ASE jusqu'à ses 21 ans puis par l'aide sociale. Le contrat
qui liait la DDASS à la logeuse créait des obligations réciproques qui ont été
remplies par la logeuse, celle-ci ayant alerté la DDASS. Néanmoins, cette
dernière aurait estimé que la situation de majeure ne l'autorisait pas à
poursuivre les recherches39. Bien que M. Dejust ait terminé sa scolarité par
l'obtention de son diplôme il est apparu ultérieurement qu'elle n'était pas en
condition d'occuper un emploi normal et a été orientée vers le CAT d'Auxerre. On
peut alors s'interroger sur l'opportunité d'organiser une tutelle à son égard.
Or il semblerait qu'à cette époque, le handicap n'était pas, pour la DDASS, un
motif suffisant pour susciter une mesure de protection.
-Le cas de
Jacqueline WEISS implique moins la DDASS. Elle avait 19 ans, avait passé peu
d'années à l'ASE et était en situation d'emploi. En l'absence d'un contrat jeune
majeure accepté par J. Weiss, la DDASS n'avait pas de raison d'intervenir. On
s'interroge toutefois sur les raisons qu'avait sa logeuse de prévenir la DDASS
lorsqu'elle constate qu'elle n'a pas rejoint son nouveau lieu de travail.
En droit, la plus grande responsabilité conceme les deux mineures.
-Dans le cas de Christine MARLOT on constate que la DDASS a fait ce
qu'elle devait et qui était en son pouvoir. Un suivi sérieux, un signalement
rapide de la fugue et la poursuite des recherches de solutions relèvent d'un
fonctionnement correct des services.
-Dans le cas de Martine RENAULT,
I'incertitude sur l'origine du signalement et un dossier particulièrement
sommaire, réduisent la mission à l'hypothèse, confirmée par les directrices
entendues, que la procédure habituelle a été suivie mais elle ne peut en
apprécier la réalité.
L'IME qui avait accueilli cinq jeunes
filles avait des responsabilités du fait de la présence ou de la sortie
depuis moins de trois ans dans quatre cas.
Vis à vis de C.
BOIDIN, sortie en mars 1974, 1'IME n'avait plus d'obligation de suivi à la date
présumée de sa disparition.
Deux jeunes filles étaient encore
scolarisées à l'IME: Christine MARLOT et Chantal GRAS. Dans ces deux cas, on
constate des démarches du directeur de I'établissement qui se préoccupe de façon
concertée avec les services de l'ASE de leur situation tant au cours de la
scolarité qu'au moment de la disparition.
Deux jeunes filles étaient
sorties, diplômées, de l'établissement, I'une un an avant sa disparition,
I'autre deux ans avant et auraient dû faire l'objet d'un suivi par le service
social de l'IME.
Cependant, on note que la première, Bemadette LEMOiNE,
était mariée et mère de famille et avait, selon le témoignage du directeur,
clairement manifesté sa volonté de « couper avec l'IME ».
La seconde,
Madeleine DEJUST, avait certes 22 ans mais, après une ou des expériences
professionnelles à l'extérieur, était prise en charge au CAT qui devait prendre
le relais du suivi, ce dont témoignent les échanges entre les deux
établissements et avec la logeuse.
Au total, malgré les déficiences
signalées dans l'organisation du service social de l'IME chargé du suivi des
élèves sorties, I'établissement a rempli ses obligations dans les cas des jeunes
disparues.
L'appréciation doit être plus sévère sur les services de
l'ASE, en les relativisant par les contraintes de l'époque. S'ils ont
généralement agi confommément à leurs obligations, on est conduit, a posteriori
et compte tenu des événements révélés récemment, à formuler des observations sur
plusieurs points importants.
-Le flou des situations des jeunes majeures
et la faible fommalisation de leur prise en charge, doublée du besoin
d'émancipation d'une tutelle pesant parfois depuis leur petite enfance,
limitaient l'initiative des services, par ailleurs dotés de moyens insuffisants
au regard des critères actuels.
-Les situations de fugue étaient
traitées de façon très administrative et la faible formalisation des
informations transmises aux services de recllerche laisse penser que ces
derniers ne disposaient guère d'indices.
-L'apparénte renonciation à
toute recherche par le service lui-même et l'absence d'initiative de relance des
services de police et de gendarmerie après la constatation de la fugue aussi
bien pour les mineures que les jeunes majeures, n'est pas acceptable.
D'une manière générale, il semble nécessaire d'appeler l'attention sur
des points gardant une actualité pour les services et les établissements:
-le défaut de procédure bien établie et connue des personnels pour
prévenir les fugues et les récidives par une prise en cllarge spécifique des
retours;
-I'indispensable coordination entre les intervenants qui, tout
en se prévenant réciproquement, ne menaient pas l'action conjointement en
mettant en commun tous leurs efforts mais comptaient les uns sur les autres pour
faire le nécessaire.
_______________________________________________________ (39)
Déclaration de la logeuse aux enquêteurs de la police.
L'lnspecteur Général des Affaires
Sociales
Jeannine BARBERYE
L'Inspecteur
Principal des Affaires Sanitaires et Sociales
Annie
TOUROLLE
origine: l'yonne républicaine 26.07.2001 |